André Le Faou et Eric Kelly - Kerdelliou

 


André : Je suis né à Pont-l’Abbé le 20 janvier 1966 et j’ai suivi une formation BPA agricole à Kerbernès.

Je n’ai pas immédiatement travaillé en agriculture, mais « 7 années dans le poisson », puis ensuite « dans le paysage ».

Durant les 14 années en Ile de France comme paysagiste, j’ai consacré les 3 dernières années à la prestation de service en traction animale et ferme pédagogique itinérante.

Le passage de paysagiste à la traction animale s’est fait par passion. Passionné par les chevaux de trait et les bœufs attelés, j’assurais des démonstrations d’attelage à l’ancienne dans les fêtes. Je me suis formé plus précisément à la traction bovine et en 2010, j’achète ma première paire de bœufs gascons. Je travaille également avec des mules acquises chez un maître bouvier en  Ariège. Pour moi le travail de la terre et l’animal sont liés.

En 2011, je m’installe en tant qu’auto entrepreneur et fait ce genre de prestation en évènementiel et vend cette prestation en traction animale sur des sites touristiques et botaniques ou municipaux souhaitant donner une image verte à leur environnement. 

Eric : Je suis né le 5 septembre 1965 dans l’Oise, j’ai grandi à Chantilly. J‘ai fait des études de décoration en région parisienne, puis dans la Marine Nationale. J’ai travaillé à Paris dans l’événementiel avant d’arriver à Saint-Evarzec en 1999 sur une ferme de 130 ha avec des moutons. Ensuite, j’ouvre un restaurant à Loctudy, fermé en 2015 suite au décès de mon associé. 

La rencontre d’André et Eric se fait en 2016 et le couple déniche par notaire la ferme de Kerdelliou avec 7 ha au début. Et le reste des terres loué ensuite. André y travaille d’abord seul, Eric exerce le métier de cuisiniste à Quimper.

En 2018, nous acquérons la propriété en SCI, après qu’André ait effectué le parcours des 3 P à la Chambre d’agriculture.

Nous sommes adhérents à l’Union Bretonne Pie-Noir, qui fait de la sélection génétique. 

On a eu du mal à trouver des terres. On avait très peur de la SAFER. Dans un premier temps, c'était d'abord trouver un bien à acheter. Travaillant tous les deux sur Quimper on s'était dit que peut-être un notaire aurait une opportunité. On a tout de suite trouvé par un notaire à Briec. L’agent immobilier nous a fait visiter. C’était ici à Kerdelliou, le bien nous a plu. Et puis voyant la configuration de la ferme, on s’est dit qu’il y avait moyen de faire quelque chose au niveau professionnel.

On est devenu propriétaire en janvier 2018.

On travaillait tous les deux à Quimper. J’étais chauffeur routier et Eric cuisiniste. On s’est mis en quête de vaches Bretonne Pie-Noir.

Je me suis installé en juin 2018 et les 8 premières vaches sont arrivées en août 2018.

On a démarré avec sept hectares et demi. Aujourd’hui nous en avons 22 en SAU. On voulait acheter le bien à condition qu'on ait les terres avec. 

On produit principalement de l'herbe, 5 000 mètres carrés de betteraves fourragères et puis du méteil pour nourrir les animaux, à peu près deux hectares de méteil, ça permet de complémenter en farine les vaches l'hiver. Et du foin principalement. Aujourd’hui, on fait trois hectares de blé panifiable pour la transformation, pour la boulangerie, pour le pain.

Pour faire du pain, il est nécessaire d’avoir un blé panifiable, c’est à dire avec un PS pas trop faible.

Pour se diversifier en céréales, il faudrait encore trouver quelques ha.

Nous avons acheté tout le matériel agricole, ainsi que le cheptel, nous n’avions que le bâti et les terres.

Nous avons un tracteur avec une fourche à foin et un godet.

Nous avons aussi des mules pour le binage et des bœufs pour les cultures. Ce sont des animaux résistants et sobres. 

Le caractère d’une mule est très vite formé, elle doit commencer son travail très très jeune. A partir de dix mois, il faut déjà commencer à débourrer une mule. J'ai fait l'expérience avec une mule de deux ans, ça n’a pas fonctionné. 

Les mules s'attellent côte à côte comme les bœufs, comme les bœufs en paires. Ça peut s'atteler en ligne comme les chevaux. Pour un même rapport poids/taille, les bœufs seront toujours plus costauds que des chevaux ou des mules. Une paire de bœufs vaut trois chevaux. Par contre, c'est beaucoup plus lent. Ça va moins vite. Après, on adapte le travail. On les utilise souvent dans les régions où il y avait du gros matériel à bouger ou des batteuses. Dès qu'il y avait un peu de côte et que les chevaux n'y arrivaient pas, ils attelaient une paire de bœufs pour monter. Ils sont aussi plus à l'aise que les chevaux dans les terrains escarpés. 

La traite : nous sommes en mono-traite et nous trayons le matin.

En général soit on stocke une traite sur deux, soit on va transformer directement la traite suivant nos besoins. Le samedi, on va stocker le lait qu'on aura écrémé dans le tank à lait. Nous sommes à deux pour la traite et la transformation. Le jeudi et le samedi André va au marché de Pont-l’Abbé et de Quimper. 

La transformation est très diversifiée. Nous produisons du yaourt, du fromage, Gros lait, fromage blanc frais, du beure, de la crème, du riz au lait au four. 

En 2018 : nous avions construit le premier laboratoire ; tout est en auto construction, sauf la chambre froide.

Il faut savoir tout faire, maçonnerie, carrelage, électricité, plomberie, …, mais nous avions des compétences partagées. 

Financement

Pendant la construction du labo, il y avait le revenu d’Eric qui travaillait à l’extérieur.

Puis j’ai obtenu une rupture conventionnelle, permettant de bénéficier de l’ACRE (Aide à la création ou à la reprise d’une entreprise) pendant deux ans, ce qui m’a permis de continuer la construction du labo et de constituer le cheptel.

Pendant ce temps, je faisais des expériences de transformation dans ma cuisine : fromage et autres.

Quand nous avons acheté ici, nous avions nos salaires, ce qui a permis d’obtenir des prêts pour l’achat en SCI. Et la banque nous a suivi pour l’exploitation.

Les premières ventes de produits datent de 2019, sur le marché de Sainte-Cécile, puis à Quimper. 

Au début, je trayais deux fois par jour. Le labo n’étant pas terminé, je n’avais pas besoin de lait pour transformer, donc je laissais les veaux boire. Puis l'année suivante,  j'ai séparé dès la naissance les veaux. Parce qu'en fait, je m'étais rendu compte qu’il y avait certaines vaches qui se retenaient du fait que le veau venait téter.

Aujourd’hui nous avons remplacé la traite à la main par la traite au pot. Le pot est amené directement au laboratoire pour la transformation.

Le Gros lait et les yaourts sont nos plus grosses ventes. L’Allium par exemple, restaurant étoilé nous prend chaque semaine le Gros lait à l’année.

Depuis septembre 2023, depuis que nous faisons du pain, nous vendons aussi à la ferme tous les mercredis après-midi. 

A notre arrivée, nous étions observés, mais c’était dans le bon sens. La traction animale y était pour quelque chose sans doute et les voisins observaient notre travail. Ils savaient notre engagement bio.

On peut dire qu’on a été bien accueilli et si on a besoin d’aide, l’aide est là.

On a essentiellement des pâtures et peu de culture, sauf des céréales. Mais on a trop peu de surfaces pour avoir du matériel. Les gros travaux se font par l’ETA. 

En octobre 2020, après licenciement de mon entreprise, je me suis posé la question : que faire ? et immédiatement l’activité de « paysan boulanger » s’est imposée.

Travailler à la ferme et cultiver le blé sur les terres étaient une évidence, c’était complémentaire et une activité plus rentable.

Après une formation en distanciel et des stages à la boulangerie d’Intermarché à Briec, j’ai obtenu un CAP de boulanger.

Ce CAP n’est pas obligatoire quand on est paysan boulanger et que l’on produit 70% de ses céréales. Mais je préférais l’avoir en ayant expérimenté les techniques de production.

Nous avons acheté le four en kit en pierres réfractaires de la vallée du Rhône qui ont des propriétés réfractaires exceptionnelles : le Panyol.

C’est seulement avec ce type de four qu’on a le droit à l’appellation « Pain cuit au four à bois ». Le feu est fait à l’intérieur, je retire les braises et je fais deux fournées de pain.

Ensuite je peux faire du pain doux et toute la famille des brioches et quand le four est descendu, douze heures après, à 120 °, je fais du riz au lait.

Le four a une isolation exceptionnelle, on a mis trois tonnes de sable isolant qu’on appelle la chamotte qui vient recouvrir tout le dôme du four. 

On utilise l’eau de la commune pour des raisons d’hygiène. Si on utilisait notre eau, on serait obligé de produire des analyses et on serait responsable des virus par exemple. L’eau de la ville c’est une garantie. Nous utilisons l’eau du réseau que l’on purifie puis elle est osmosée. 

On a un bouilleur d’eau qui permet d’approvisionner les radiateurs, les sanitaires et l’eau chaude intérieure. On économise ainsi aussi l’électricité.

On prévoit aussi des panneaux solaires, mais c’est pour plus tard.

Par contre, le labo fonctionne à l’électricité étant donné les normes qui régissent la pasteurisation et le froid. 

Les loisirs

Nous n’avons pas le temps. A notre arrivée, nous avons fait de la danse bretonne à Landrévarzec et je prends des cours de breton tous les mardis soir.

J’ai aussi pris des cours de bombarde, mais ça prenait trop de temps et c’était trop contraignant. 

Nous participons aux fêtes de voisinage.

Un engagement municipal me plairait. J’ai été représentant du marché à Quimper et ça me plaisait, mais ça s’est arrêté après la tempête. Je suis aussi représentant à l’Union Bretonne Pie-Noir. 

En ce qui concerne l’avenir, nous avons notre place en parallèle avec l’agriculture conventionnelle. Avant le bio, c’est d’abord la proximité qui compte.

Le modèle que l’on fait est celui de nos grands parents. C’est notre choix.


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