Jean Paul Le Pann - Le Wouez

Je suis né le 31 octobre 1950 au Wouez, à Briec. Mes parents habitaient ici, mon père étant du Wouez, ma mère venant d’Edern. 

Dans les années 50 tout le monde est scolarisé. Je vais à pied à la petite école de deux classes du Moulin du Duc, à 2 km en tenant la main de mes petites voisines. Puis les transports scolaires arrivent en 1957 et nous allons à Briec en car. C'était assez épique ! Il pouvait arriver que dans les côtes les gamins descendent pour pousser ! Les filles vont à l'école des filles, les garçons à l'école des garçons. Pour moi ce sera la laïque ! 

Enfant, j'aidais sur l'exploitation, les filles aidaient à la maison.

Je vais au lycée agricole, technique à Bréhoulou à Fouesnant. A l'issue de ces années-là, je ne me vois pas tellement rentré comme technicien dans une coopérative. Je suis tenté d'essayer de poursuivre. Mon père ne me poussa pas à aller dans un sens ou dans un autre.

J'ai fait 4 années d'études à Paris après le lycée, Droit et Économie agricoles. Ça c'est extrêmement formateur. C'est là que je me suis formé, que j'ai donné l'orientation de mon existence. 

Je sors de mes études en Avril 74, pendant 2 ans je fais des petits boulots un peu partout : ici, à faire des saisons, haricots, petits pois, pommes de terres. Dans le sud, ramasser les cerises dans les gorges du Tarn, en Italie, en Suisse….

En septembre 76, je pars en Afrique pour 18 mois. Je rentre début 78 et je reprends l'exploitation.

Je suis essentiellement seul à y travailler avec, de temps en temps, des copains qui passent donner des coups de mains. C'est à la bonne franquette.  Mon père m’aide un peu et ma mère aussi.

 J'ai des loisirs mais des vacances non ; Les poulaillers industriels ont cet avantage-là :

Quand les poulets s'en vont, là y a du boulot mais une fois que les poussins sont en place, tu es tranquille 3 mois. Au début on faisait des poulets de 2 kilos et après, les industriels ont commencé à exporter au Moyen Orient des poulets d’1,2 kgs.

 Il y a 3 hectares de terre ici, Ils devaient louer un ou deux hectares, allez on dit 5 hectares. 

Je me suis installé en 78. J’ai deux filles nées, en 84 et 88. J’abandonne les poulets industriels et passe aux poulets fermiers et à la vente directe. Le démarrage de la vente directe c'est février 84. Je change de modèle, une fâcherie avec le patron de chez Doux et j'en ai marre de faire de l’industriel, je décide de m'orienter vers une production de plus de qualité et d'un rapport direct avec le consommateur.

Et c'est effectivement plus de boulot de passer à une production fermière. Quand tu fais de la vente directe il faut que tu aies des poulets prêts en permanence, pour garder une clientèle il faut que tu puisses en présenter de façon régulière. Le nombre de poulets diminuent considérablement, au lieu d'en faire 30 000 je vais en faire 3 000, les poulets, au lieu de les élever en deux mois, on les élève en cinq mois. Tous les mois il faut démarrer un nouveau lot. 

Je suis un peu précurseur à ce niveau-là, fin 84 j'ai créé un marché à Briec. J'étais déjà conseiller municipal depuis 83, j'ai fait 31 ans en tout au conseil municipal, je n'ai pas fait que deux mandats de maire ! Je suis rentré en 83 et je suis sorti en 2014, 18 ans dans l'opposition. Je voulais créer un marché à Briec, donc j'ai proposé une délibération au conseil municipal. C'était dans les compétences du maire de prendre un arrêté. Le maire ne voulant pas prendre la décision seul convoque un débat au conseil et à ma grande surprise j'ai été combattu, les commerçants étaient contre, ils pensaient que cela leur ferait de la concurrence. Donc on a eu un débat assez vif !

C'était nouveau de vendre au marché des poulets prêts à cuire. Les marchés existent depuis le Moyen Âge, mais ils disparaissaient comme les champs de foire et on me dit « Vous voulez revenir en arrière ! ». 

Puis au temps municipal, familial, professionnel s'ajoute le temps syndical, les paysans travailleurs, qui est devenu la Confédération paysanne.

Je travaille seul sur l’exploitation, ma femme travaille à l’extérieur, elle est bibliothécaire. 

Dans les années 90 après cela a suivi son cours, en 2001 je suis élu maire de Briec, ayant démarré la vente directe en 84 et en 2002 je décide d'arrêter l'exploitation: Je ne suis plus paysan ! C'était un risque parce que je n'avais plus de métier. 

Le regard des voisins, ironique au départ change, j'ai réussi à prouver que cela pouvait fonctionner.

Beaucoup de regard différents sur l'agriculture d'aujourd'hui. Selon ta manière d'exploiter tu agis sur la biodiversité, sur les ressources en eau, sur le climat. L'agriculture doit intégrer cette notion-là. Il faut essayer de transmettre à nos enfants une planète qui soit habitable. 

Ce qui est intéressant, ce sont les évènements qui se sont produits ces dernières années. La leçon est que ce n’est jamais ce qu'on a prévu qui va arriver. Il y a toujours des évènements imprévus dans la vie, c'est lié à la nature de la nature.

Les chances pour que cette planète existe étaient nulles et pourtant elle existe. Personne n'avait prévu la crise du Covid, personne n'avait prévu que les avions s'arrêteraient de voler lors de l’éruption volcan en Islande, la guerre en Europe ... Moi tu me demandes ce que va devenir l'agriculture demain. Mais personne ne peut prévoir l'agriculture pour demain. On sait seulement que si on ne préserve pas la nature, la terre ne sera plus nourricière !

On connaît le passé, on sait comment on en est arrivé là. Si on a une crise climatique majeure, il y aura un bouleversement dans l'agriculture mais moi je ne peux pas te dire ce qui va arriver. Je ne suis pas prophète. Un autre mode différent est possible. 

La FNSEA a toujours voulu nous faire croire qu'il n'y avait pas d'alternative autre, mais on a pris conscience que le réchauffement climatique et la disparition de la biodiversité allait rendre la terre inhabitable. La majorité des gens se préoccupent de savoir comment leurs enfants vont vivre. 

Étiquette écologiste ? J'ai hésité. Quand tu es dans l'action, tu es moins dans la réflexion. Tu es dans les compromis. Les politiques veulent la paix dans les campagnes.

Une nourriture pas chère qui ne rend pas malade si c'est bon. Si la nourriture te rend malade alors là, c'est autre chose … 


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