Je suis Christophe Sammiez. Je suis né le 05 mai 1972 à Dunkerque, dans le Nord. J'ai vécu ma jeunesse en Bourgogne, à Dijon, j'ai fait mes études en Bourgogne et en Isère : du droit international privé, de l'informatique et diplôme de Sciences Po Grenoble.
J’ai travaillé à Paris une dizaine d'années en informatique dans des grandes et moyennes structures (Lagardére, dans les chaînes du câble, principalement musicales, webagency...) et fait du droit des marchés (BNP Paribas, contrats avec des traders, de la négociation, un peu technique).
Mon père travaillait à la Lyonnaise des eaux et ma mère à la banque. Aucun rapport avec l'agriculture si ce n'est, qu'après leur installation à Dijon ils ont acheté une petite fermette et mon père passait son temps libre à jardiner. On mangeait les produits du jardin et ma mère était fine cuisinière. " La nourriture a été un élément crucial dans la famille, la relation avec les bons produits, bien cuisinés pour se faire plaisir a été importante. J'ai deux frères, l'un est informaticien à Bordeaux, l'autre électricien à Bourg en Bresse.
Je suis installé ici avec ma
femme à la ferme aux libellules au Kreisker. On s'est rencontrés à Paris, Elle était
ingénieur acousticien, elle était codirigeante de son bureau d'études. Et moi,
c'était à peu près la même chose, j'étais en direction technique, donc j'étais
le numéro deux de ma boîte.
Nous avons deux enfants, Aïko,
12 ans et Noam, 7 ans scolarisés à Briec. Aïko est née à Paris juste avant
qu'on parte, elle avait un an quand on a quitté Paris. Et Noam est né ici à
Quimper.
Comment on est arrivé au
projet terrien ? En fait, au retour de
son congé de maternité, on a proposé à Marie de faire du commercial et ça ne la
branchait pas du tout. Elle ne voulait pas faire ça. Donc quand on a réfléchi à
ce qu'on pouvait faire, on est parti sur un projet terrien. Marie avait une
idée assez claire sur du maraîchage. Moi ce n’était pas ça au démarrage. L'idée
c'était que je la suive. Marie a fait un BP REA maraîchage (qui prépare à
l'installation en agriculture) dans le Val de Marne avec des stages chez des
maraîchers en région nantaise. On a donc commencé à chercher des terres en
région nantaise parce que moi je pouvais trouver du boulot là-bas, donc c'était
logique. J'arrivais dans le schéma du "il y en a un qui travaille en extérieur
et l'autre qui s'installe".
Mais ce qu'on visitait c'était des exploitations laitières avec beaucoup de bâtiments. Quand on commence tard dans l’agriculture, il faut du temps pour rentabiliser, donc cela devenait complexe.
Un ami agriculteur à Pont-Scorff, cherchant du matériel sur le bon coin y a vu une ferme à vendre à Briec. C'était succinct, "à vendre ferme, verger et une photo". On était pris par le temps afin d'obtenir les aides (avant 40 ans). On a visité et on a lancé les démarches d'installation pour Marie en Entreprise Individuelle. L'autorisation d'exploiter et de s'installer sur cette ferme a été accompagnée d'une obligation de soutien et suivi technique du GAB29 car elle manquait d'expérience professionnelle. En janvier 2013 on est arrivé aux abords de L'Odet. à la ferme qu'on a nommée La Ferme aux libellules.
Nous avons habité pendant six mois à Landudal, le maraîchage démarre, les serres sont montées, les allers retours entre l'habitation et la ferme prennent du temps. J'ai alors le statut de conjoint collaborateur dans l'entreprise individuelle de ma femme et je mets le pied dans le monde agricole ! Couvert par la MSA.
Pour moi c'est la Découverte du travail physique, beaucoup de manuel. Je suis assez perfectionniste. Ça m'a horripilé dès le départ, il a fallu refaire beaucoup de choses, le hangar, des drainages, du matériel pas flambant neuf …. C'était déjà en bio, mais la ferme était financièrement survalorisée.
On est arrivés un peu la fleur au fusil, ou plutôt » la fleur à la bêche », on s'est rendu compte très vite qu’il faut du temps pour former un paysan ou une paysanne. On a découvert le milieu, avec l'aide des voisins pour qui les choses étaient évidentes !
Il y avait la ferme stricto sensu qu'on achetait, qui était sur sept hectares. Et puis autour, il y avait 25 hectares loués en bio aussi, donc on avait un intérêt à les garder. Autant Marie s'était formée et testée sur le maraichage, autant moi, le verger, je ne connaissais pas.
Sur l'arboriculture. On était suivi par le groupement des agriculteurs bio. Il y avait un technicien Verger qui m’a accompagné. Et on a aussi rencontré quelqu'un qui nous a conseillé et qu’on a employé pour les récoltes pendant 5 ans, j’ai appris un peu sur le tas.
Le statut de la ferme a changé en 2021, Cinq années de conjoint collaborateur, de pratique agricole autorise une installation. On s’est associés on a changé la forme de la société. On est passé en Earl pour que moi je puisse m'installer.
On a dû apprendre à travailler ensemble sur une ferme et en même temps réapprendre des choses. Donc, comme on a tous les deux du tempérament, on n'aime pas se laisser dire les choses et on n'a pas obligatoirement les mêmes visions. Donc c'était pas mal qu'on ait des ateliers différents, Marie le maraichage (1ha50 de plein champ et 1500 m² de serres) et moi le Verger (3ha30). On s’entraide, à l'heure du repas, on échange sur nos préoccupations et besoins.
Pour ma part, je travaille la
plupart du temps seul sur une surface de trois hectares trente. J'ai une
production de pommes, quelques poires et kiwis, du jus de pommes, purée de pommes
» je suis avant tout pommiculteur « je suis constamment en train
d'arracher les arbres qui ne produisent plus, les surgreffer et ça prend du
temps. En ce moment il y a environ 2 700 arbres dans le verger.
Pour améliorer l'entretien, la fertilisation et la lutte contre les ravageurs, j'ai fait des essais de mettre des moutons, des poules.
Il y a un peu de matériel,
sans doute pas assez, Il y a encore du matériel à acheter, En arboriculture
basse tige, on a besoin de palissage, de broyeur, d’atomiseur pour nourrir le
verger, de système antigel pour mon cas et du tracteur qui va avec.
J'ai mis en place deux stations météo à la ferme qui sont indispensables à l’arboriculture et aussi des capteurs permettant de contrôler l’humidité, la température du sol...
En pratique, les cinq premières années ont été super, puis avec le changement climatique, j'ai eu des difficultés de production.
L'arboriculture est un métier hypertechnique. On pense que les arbres, ça pousse tout seul ! Or, quand on veut produire des variétés modernes, on doit maitriser la connaissance des ravageurs , les risques cryptogamiques face aux conditions météo. ON doit protéger de la maladie et en plus en bio c'est assez compliqué. En agriculture, ce n'est jamais la même année.
On essaye de s'améliorer, je fais partie du réseau des arboriculteurs bio du Grand Ouest, on se rencontre très régulièrement pour échanger sur la saison, sur les différents essais, le sol. Les soins à la terre sont aussi importants que les soins aux arbres. On fait des tests notamment sur des semis pour favoriser la biodiversité.
J'utilise de la fertilisation
qui est autorisée : bio fumier et extraits végétaux et en même temps en
essayant d'être le plus proche possible d'une agriculture naturelle. Parce
qu'on produit de la nourriture en quantité à un endroit donné, on ne peut pas
faire de l'agriculture sauvage, ça ne marche pas. Donc on essaye d'être au plus
près d'un idéal, un idéal où on intervient le moins possible et en même temps
sans mettre en péril la production.
Je dois donc connaître les bio agresseurs, que ce soient les champignons ou les ravageurs et surtout connaitre leur cycle pour mieux lutter contre eux. Par exemple, on a des courbes pour savoir les risques tavelure en fonction de l'humectation et de la température.
Il y a plein de fois où je me trimbale dans le maraîchage. Et Marie m'incite à y aller parce qu’elle, il y a des choses qu'elle ne voit pas, prise dans la course du quotidien. Et c'est pas mal d'avoir des regards extérieurs comme ça. En fait, c’est hyper important parce qu'au moment où tu remarques quelque chose (déjà si tu le remarques) c'est presque déjà trop tard et si tu ne le remarques pas, alors c'est parti et ça se propage très vite. Mais c'est ça qui est chouette en même temps, de se dire ah bah tiens, j'ai vu ça, il y a ça, il faut agir… Dans le métier de paysan ce qui est important c'est l'observation ! Il faut avoir l'œil partout et être curieux. Les vieux avaient le temps d’observer. Une partie de l'observation vient de l’expérience.
A partir de 2019, on a vu les changements météo arriver tous les deux ans, avec des gels plus intenses et réguliers avec des floraisons plus précoces. Aujourd'hui, mon verger est à 30 % des premières années de production (pareil pour mes confrères) et on a de plus en plus de difficultés de production, pertes dues au changement climatique, à la diminution des polinisateurs sauvages, des abeilles sauvages notamment (Je construits des habitats pour les abeilles sauvages, bonnes polinisatrices solitaires). Il y a 34 ruches d'abeilles domestiques en haut du Verger, c'est un apiculteur de Cast qui s'en occupe.
Quant à l'eau ? Contrairement à ce qui se dit, on n'en finit plus d'avoir besoin d’eau, comme du besoin d'eau cette dernière année en avril. La terre granitique chez nous, dès l’été, demande un arrosage fréquent. Nous avons un Forage sur la ferme qui permet d'irriguer le verger au goutte à goutte. Si un arbre subit un stress hydrique, l'année suivante il n'est plus le même. Les arbres peuvent être perturbés par plein d'éléments. (Effet de la tempête CIARAN à voir à la récolte prochaine).
La récolte des pommes à
couteau se fait à la main afin qu'elles ne s'abîment pas. Certains vergers ont
des plates-formes, chez nous à la ferme aux libellules tout est récolté à la
main à l'échelle de récolte. Les pommes sont stockées en cagettes en chambre froide
et calibrées.
On commercialise tout en
vente directe, en restauration collective, collèges, lycées, crèches. On
vend également en GMS, en bio coop, en boutique de producteurs. Les Pommes sont
calibrées afin d'éviter le gaspillage alimentaire et pour une question de coût
et la pomme doit être vendue assez rapidement.
Je fais transformer les pommes déclassées par des prestataires extérieurs en jus de pommes, et en purées de pommes (sans sucre ajouté). Une mycotoxine peut nuire, d’où la transformation par des professionnels.
Quelques chiffres de production en pommes : en général 10 tonnes /hectare, en bio, on est très content quand on a 14 tonnes /hectares.
A la satisfaction de nourrir les gens, peut-on vivre économiquement ? L'arboriculture c'est vraiment devenu tendu. Coup de gel ? Pluie incessante ? Phases critiques à la floraison. Oui on peut en vivre mais Investir en mécanisation est encore difficile.
Mais c'est un métier magnifique, en mouvement. On recommence tous les ans mais différemment. Et puis ça évolue même. J'observe beaucoup en fait les plantes, ce qu'on appelle les plantes bio indicatrices, c'est à dire les plantes qui poussent spontanément dans le verger ou dans le maraîchage. Je me rappelle, il y a quelques années, je les voyais chez mes confrères en Ille et Vilaine, je voyais des choses et je ne les voyais pas ici et maintenant je les vois. C'est à dire que le temps change la levée des plantes. Tout change en fait. Et pareil pour les ravageurs, au départ, c'était presque uniquement la tavelure parce qu'il pleut très régulièrement ici ! Maintenant, on a des phases sèches avec des ravageurs de plus en plus présents, donc on se renouvelle aussi. On essaye de voir ce qui se fait dans les autres départements pour voir un petit peu comment ça va évoluer chez nous.
Nos Productions de céréales sont vendues aux coopératives.
Coté Entraide, c'est plutôt de l'aide que je demande auprès des sympathiques voisins pour certaines tâches comme des déchargements de semis remorques car je ne suis pas équipé pour cela.
Pour les loisirs, j'aime m'occuper des enfants, et surtout cuisiner.
Si ce grand saut était à refaire, je le ferais d'une façon différente, je valoriserais mieux l'équipement, le matériel acheté… mais le choix global reste, le sens ici est réel. Mais c'était vraiment un grand écart !
En agriculture il faut tout maîtriser, la compta, le ciment, la soudure, …… il y a toujours un truc qui merde ! Il faut trouver des solutions simples, rapides et efficaces.
Mon conseil pour de nouveaux arrivants : arriver avec humilité, respecter les gens qui étaient là avant, les anciens…
Je reste toutefois très inquiet quant au renouvellement des générations car on a besoin d'agriculteurs. Les normes doivent être compensées, c’est à dire ne pas être à la charge des agriculteurs.
Ce qui est important, c'est
de maintenir un équilibre des productions, par exemple garder la production de
lait. Il y a de la place pour toutes les agricultures, elles sont complémentaires
sur un territoire, mais pas d'agriculture industrialisée : le paysan doit être
maître de son destin.
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