Je suis né le 23 juin 1983 à Quimper. J’ai vécu à Briec jusqu’en 2007, j'ai déménagé et je suis parti habiter à Quimper et depuis j'habite là-bas.
Mes parents habitent toujours ici. C'est la ferme d'origine de mon père qui avait pris la suite de ses parents. Je suis la troisième génération des Le Guillou sur la ferme.
J'ai une sœur qui est plus âgée que moi, elle a huit ans de plus que moi et elle, elle habite en Angleterre depuis 25 ans maintenant et elle n'est pas du tout concernée par l'agricole.
J'ai racheté la ferme à mes parents.
Mon parcours scolaire, école primaire et collège sur Briec et ensuite lycée agricole au Nivot à Lopérec (bac STG, c'est Sciences et technologies de l'agronomie et de l’environnement) et ensuite j’ai fait un BTS Acse à Pommerit-jaudy dans les Côtes d’Armor. C'est un BTS Acse. C'est analyse et conduite des systèmes d'exploitation. En gros c'est compta/gestion en exploitation agricole.
Quand j'étais tout gamin, en
fait, ce que j'adorais, c'était jouer avec des tracteurs miniatures Et une des
vedettes entre guillemets du coin, c'était les entrepreneurs de travaux
agricoles qui avaient des gros tracteurs. Donc ça faisait rêver les gamins. Je
m'étais dit ouais, un jour, quand je serai grand, je travaillerais chez
Jean Hémidy. Ça va être bien, il y aura des gros tracteurs.
Après, avec le temps, évidemment, ça s'est un peu passé, disons qu'on devient un peu plus terre à terre et je m'étais dit un jour, j'aurais peut-être repris la ferme ici.
Et au fur et à mesure que j'ai
avancé dans les études, et au début de ma vie professionnelle, c'était plus
forcément si évident que ça de reprendre la ferme.
Quand on est dans le parcours scolaire en BTS où là on analyse vraiment les chiffres et les conjonctures économiques, là tu te dis, en fait c'est un peu plus compliqué que juste faire le boulot autour des animaux ou dans les champs. Et du coup, ça fait gratter un petit peu la tête parce que là on apprend que, en fait, c'est gérer une entreprise comme une autre. On gère une trésorerie, on a des comptes à rendre.
Quand je suis rentré un peu dans la vie active, l'idée c'était d'aller me faire un petit peu les dents ailleurs avant de décider de reprendre la ferme ou pas. J’ai donc travaillé pendant une quinzaine d'années en tant que salarié, un petit peu à droite à gauche, en faisant différents contrats sur les fermes, sur les services de remplacement, en coopérative. Et un jour je me décide à m'installer ici parce que j'en avais ras le bol de bosser ailleurs, je ne suis pas fait pour être salarié.
Après il y a le côté patrimoine familial qui rentre un petit peu en ligne de compte aussi. C’est surtout que j'ai envie de pouvoir bosser ici, chez moi et de pouvoir gagner ma vie aussi tout en travaillant un peu à ma façon.
J'ai repris l'exploitation ici le 1ᵉʳ juillet 2015. C'est ma date d'installation effective en 2015.
La taille de l'exploitation, Il y avait à peu près 420 000 litres de lait sur l'exploitation. C’est le volume annuel de lait à produire. Et en surface, il y avait à peu près 80 hectares. Aujourd'hui, un petit peu moins qu'au départ, là où il y a une cinquantaine de vaches maintenant, je suis allé jusqu'à traire 63 vaches.
Quand je me suis installé à ce
moment-là, le secteur était censé être porteur. Tout le monde disait il y a de
l'avenir dans le lait, il y a de la demande, les Chinois, ils sont là. Youpitralala.
Et au final, quelques mois après que je me sois installé, la crise du lait a
démarré et ça a duré pendant deux ans. Là les prix ont été vraiment mauvais.
Les projets que j'ai mis en place au moment de l'installation n’ont pas pu se
faire.
Quand je me suis installé, au
lieu d'avoir un prix du lait moyen sur l'année qui était d'à peu près 320 €
les 1000 litres, le prix il était de 280 €. Ça fait un petit trou dans le budget quoi. Tu
mets ça sur 400 000 litres de lait.
Je vends mon lait à Sodiaal. Quand on choisit d'aller chez l'un ou chez l'autre, on est tenu après avec des contrats laitiers qui sont renouvelés tous les cinq ans.
J'ai racheté l'ensemble de l’exploitation, il y avait le rachat des bâtiments et foncier sous bâtiment, il y avait le rachat du matériel, c'est à dire les tracteurs, charrues, herse, désileuse. Bref l'ensemble du matériel agricole qu'il y avait ici et ensuite le cheptel et les stocks.
J’ai investi 260 000 € pour la reprise de l'exploitation.
Quand les parents étaient en
activité, il y avait une société, c'était une SARL ici. Et cette société là, ça
différencie le patrimoine professionnel du patrimoine privé.
Moi, ce que j'ai racheté, c'est le patrimoine professionnel. Donc ils m'avaient proposé de racheter la maison. A l'époque ça ne m’intéressait pas d'acheter une maison, surtout une grande maison comme ça, C'est une maison de famille Et moi, étant tout seul, je ne me voyais pas vivre dans une grande maison comme ça.
L’avantage ou le défaut des paysans retraités, c'est souvent qu’ils restent travailler sur l'exploitation qu'ils ont cédé. Et moi ça m'arrange énormément parce que clairement, si, si le père n'était pas là pour continuer à faire du boulot, la ferme n'aurait pas tenu.
Quand je me suis installé, j'ai
repris l'exploitation et en même temps j'ai repris du lait supplémentaire à la
laiterie, donc j'ai racheté du lait.
L'idée de racheter du lait supplémentaire, c'était de me conforter après, dans l'emploi d'un salarié, chose qui n'a pas pu se faire puisque le prix du lait s'était cassé la gueule.
En même temps, dans le projet d'installation, il y avait le projet de faire un bâtiment de traite, donc c'est à dire faire une salle de traite qui soit adaptée à la taille du troupeau que j'aurais eu suite à la reprise et agrandissement de l'effectif.
Il n’y a rien de tout ça qui a pu se faire financièrement, je me retrouve avec une exploitation de la même taille qu'avait mes parents. Mes parents ils étaient à deux sur l'exploitation et en plus moi souvent pendant les week ends, enfin entre deux boulots. Il y avait du boulot déjà pour deux personnes. Quand je me suis installé, je devais être aussi à deux en reprenant un salarié, mais au final je me retrouve tout seul quoi.
J'ai essentiellement de l'herbe et un petit peu de maïs et avant j'avais de l'herbe, du maïs et des céréales, donc un petit peu de cultures de vente. La surface n'a pas changé, mais J'ai changé de système dans le l'assolement.
J’étais parti sur un système
assez intensif au départ, c'est à dire faire plus de lait avec moins d'animaux.
Et maintenant j'en suis rendu à faire l'inverse.
L'idée maintenant, c'est de simplifier le travail de façon à pouvoir faire tout tout seul.
Maintenant, sur la partie herbe, je fais plus d’enrubannés que faisaient les parents. C'est de l'herbe qu'on fauche, on met un film pour autour du round pour le conserver. C'est un ensilage en fait.
Sur ma surface, là j'ai à peu près 75 % de la surface en herbe et 25 % en maïs. je suis parti sur un système beaucoup plus axé sur l'herbe parce que beaucoup plus économique.
Je garde une partie de maïs dans
la ration parce que je me suis rendu compte en fait que les vaches pendant
l'hiver ou j'ai fait un essai où j'ai mis que de l'herbe enrubanné et en fait
ce n’était pas bon du tout. Les vaches, elles ont perdu de l'état corporel.
Enfin, elles ont puisé un peu dans la réserve, les résultats laitiers n'étaient
plus au rendez vous non plus, chute de production, chute des taux dans le lait.
La reproduction sur les vaches ça ne se passait pas bien non plus. J'ai remis
du maïs.
Je m'étais dit en mettant que de l'herbe. Ça va être chouette, enfin un maximum d'économie, plus d'aliments achetés, plus de maïs à mettre, tout ça va être bien. Mais en fait non, ce n’est pas si simple que ça.
Je suis suivi par un technicien de coopérative et un autre, c'est un technicien de fabricants d'aliments. Celui de la coopérative oriente sur les techniques culturales, clairement, parce que je n’ai pas toutes les compétences
Le maïs c'est un très bon complément de l'herbe, c'est une bonne plante. Après le problème du maïs, souvent ce qu'on dit c'est les phytos et c’est gourmand en eau. Le maïs, c'est une plante qui est riche en énergie, l'herbe c'est assez riche en azote, Les deux se complètent bien.
Les outils numériques ça va, j'ai mon téléphone portable. Un smartphone. J'ai une petite application là-dessus qui me sert à gérer un peu le troupeau. J'ai un planning dessus avec les différents événements, les vaches qui vont vêler, voilà telle période, les tarissements telle période, les retours de chaleur. Après de là, je fais des déclarations de naissances, déclarations de mort quand il y en aura aussi de sorties en général.
Je ne garde que les femelles. Les mâles, je les vends à quatorze jours, ils sont vendus pour aller en élevage, je les vends à un négociant.
On ne peut pas vendre des animaux à perte ou à valeur zéro, tous les acheteurs sont obligés de mettre au moins un euro, C'est symbolique, c'est pour dire je te prends ton veau parce qu’ il n’y a pas le choix.
Ici, moi j'en ai vendu un l'autre jour, il avait une tare entre guillemets c'était plus une malformation. Il est né sans queue, il avait juste un moignon, au bout de la colonne vertébrale Ce n’est pas grave en soi, le veau, il n’était pas malheureux, il n’était pas mal en point non plus. Il n’y avait pas de souci parce qu'il lui manquait sa queue. L'acheteur m'a dit « c'est une tare alors du coup personne n'en voudra », c'est un argument pour faire baisser le prix. Et il est parti 30 €, C'est à peine la moitié du prix d'une insémination.
Quand on a des jumeaux par exemple, ça arrive qu'il y ait des couples mâle femelle à la naissance. Quand ça arrive, aucun des enfants, ni le mâle, ni le veau femelle ne seront aptes à la reproduction. Ils seront stériles en fait. C’est la génétique qui fait que c'est comme ça. Quand ces cas-là se présentent, on ne vend les deux en général en même temps, l'acheteur il repart avec deux veaux pour le prix d'un, c'est à dire que le veau femelle ça vaut zéro. Les femelles dans les élevages de veaux blancs, ils n'en veulent pas parce que ça n'a pas la même croissance qu'un mâle.
C'est produire à perte puisque de toute façon, entre le prix de l'insémination, le lait qu'on lui a donné, des repas ou antibiotiques si besoin, la paille qu'on aura mis en dessous, le temps qu'on aura passé autour, la place du bâtiment qu'il occupe, tout ça. Il n'y a rien de tout ça qui est payé.
On est à 440 € la tonne de lait en prix de base.
Alors aujourd'hui, oui j'arrive à me tirer un revenu mais d’abord j'ai changé de système, De deux, j'ai des prêts qui sont échus aussi et de trois la situation économique a quand même pas mal évolué depuis que je suis installé.
Le syndicalisme, ça ne m'attire pas. Après, il y a des fois je cautionne ce qu'ils peuvent faire, mais d'autres fois non. Mais le syndicalisme en général, ça ne m'attire pas parce que je ne trouve pas ça très utile en fait.
Si je devais vivre que de mes
produits uniquement, c'est à dire du lait que je vends, clairement, je ne
gagnerais pas ma vie, je travaillerais pour la gloire.
Aujourd'hui, on touche toujours
des aides PAC un petit peu moins qu'au départ et plus ça va aller, je pense que
moins il y en aura. Mais si on n'avait pas les aides PAC, clairement on
n'aurait pas de revenu quoi.
Il y a une partie des aides qui sont liées aux surfaces, assolements et une autre partie qui sont liées aux animaux. Ici il y a une aide sur les vaches. Sur les 40 premiers bovins, il y a une aide il y a un plafond de 40 bovins.
J'ai eu un contrôle PAC là cette année sur la directive nitrates, ça s'est bien passé, il n’y a pas de problème. Après, qu'on soit contrôlé, c'est normal parce qu’on touche des aides. Mais le reproche que je pourrais faire là-dessus, c'est que j'ai un voisin qui me parle de ça. Lui il a eu, je sais plus si c'est trois ou quatre contrôles qu'il a eu la même année pour quasiment la même chose. C'est qu'en fait l'administration, il n'y aucune communication entre les services, donc il va y avoir un contrôle pour une directive nitrates par exemple. Il va y avoir ensuite un contrôle pour le bien-être animal. Il va y avoir un contrôle pour des MAE (aides pour des surfaces en s'engageant dans tel ou tel système), Ensuite il y a eu un autre contrôle pour une autre MAE il a dit stop quoi. Surtout que là-bas ils sont tous au même endroit, ils sont tous à la DDTM, à Quimper.
En 2019, on a regardé avec mon
père le prix d'achat d'un matériel, en l'occurrence, c’était une herse rotative.
Elle était tombée en panne, et on se demandait en quelle année on l'avait
achetée. Elle a été achetée en 1989. Elle a été achetée 35 000 francs à
l'époque. Donc ça fait à peu près 6 000 € aujourd'hui. Aujourd'hui, la
même herse, le même modèle, Il n'y a pas eu de révolution en la matière, il
faudrait compter au minimum 12 000 €. Voilà, ça a doublé en l'espace de 30
ans.
A côté de ça, derrière la facture
d'achat de la herse, il y avait une facture de paie de lait, le lait à cette époque-là,
j'ai fait la conversion entre le franc héros parce que c'était en francs en
1989. Donc 1 €, ça vaut 6,55 957 francs, le prix du lait payé au
producteur à ce moment-là c'était en octobre 89, on était payé 390 € par
tonne de lait.
Quand je me suis installé, mon
premier exercice, j'étais payé 280 € par tonne de lait. En l'espace de 30 ans, le prix du lait en
valeur pure a diminué.
Ce qui est vendu en magasin, ça a fait l'inverse, ça a monté mais ça ne tient toujours pas compte de nos coûts de production. On vend à perte tout le temps et on n'est pas près de pouvoir gagner réellement notre vie de nos produits.
Mes parents en 89, ils produisaient 250 000 litres de lait, ils faisaient vivre une famille avec ça. Aujourd'hui, je fais 400 000 litres de lait.
Les données des chambres d'agriculture, je crois que c'est à peu près une installation pour trois départs en retraite en moyenne sur le département.
Il faut compter à peu près un tiers des reprises uniquement. Certaines exploitations agrandissent leur production. Les laiteries se retrouvent avec du lait en moins, pour qu'elles puissent maintenir leur outil de production, il faut qu'elle redistribue le lait qui n'est plus fait, aux autres producteurs. Donc il y a des producteurs qui achètent des droits à produire auprès des laiteries. Il y avait des quotas laitiers pour réduire la production, et là, c'est l'inverse aujourd'hui.
Je travaille en CUMA et un petit
peu avec une entreprise aussi. La CUMA, c'est un avantage de pouvoir disposer
de matériels assez performants à pas trop cher. Parce que comme on est à
plusieurs sur ce matériel, ça fait baisser les coûts. Maintenant la CUMA à
Briec, l'effectif va décliner encore dans les années qui vont venir. Les
adhérents aujourd’hui vieillissent et certains arrivent proche de la retraite. Il y a une bonne cinquantaine d’agriculteurs, le
secteur géographique de la CUMA s'est pas mal agrandi pour maintenir quelques
effectifs sur les matériels.
Je suis responsable des remorques de l'activité transport on va dire, remorques monocoques. Il y a cinq remorques monocoques. Et après dans l'activité transport, il y a aussi des plateaux à paille, mais là c'est un autre responsable qui s'occupe de ça. Moi je m'occupe juste des monocoques.
Les fermes sont de plus en plus
autonomes si on veut. Pour le plus gros des travaux, en général, on fait appel
à l'entreprise.
L'ensilage de maïs par exemple, on fait de l'entraide avec des voisins, c'est l'entreprise qui vient récolter avec une ensileuse et ensuite le transport et le tasseur c'est les voisins, c'est les copains.
Ce que j'exploite moi aujourd'hui a été exploité par peut être trois ou quatre exploitations différentes en fait. Au fur et à mesure que les exploitations ont arrêté, celles qui sont restées se sont plus ou moins agrandies en reprenant les terrains des voisins.
A un jeune qui veut s'installer, la première chose, c'est avoir du bon sens. Contrairement à quand on doit faire face à l'administration, là, le bon sens, il faut le mettre de côté. Ici, on travaille avec du vivant, végétal ou animal, il y a des choses qui paraissent évidentes quand on travaille avec des animaux qui sont complètement aberrantes quand tu parles à l'administration.
Il y a toujours moyen d'arriver à
faire les choses quand on a envie de le faire. C'est tout. Maintenant, ce n’est
pas une question de capacités physiques ou pas, c'est une question d'avoir
envie. Après, c'est la question mentale, il vaut mieux être assez blindé pour
travailler avec du vivant, il faut du bon sens. Par contre, pour faire face à
tout le côté gestion d'entreprise, c'est à dire les côtés pression financière,
les contraintes économiques, les contraintes administratives. Le côté paperasse
entre guillemets te fait faire des choses qui sont contraires au bon sens.
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