Frédéric Hémidy - Trolez

 


Je suis né en 1973. Je me suis marié en 2006 avec Jocelyne, salariée dans la SAS.

Nous avons 3 enfants :

Matthieu, 19 ans en prépa MP à Rennes, pas intéressé par l’entreprise,

Alan, 15 ans, en seconde générale au Nivot, intéressé par l’entreprise.

Manon, 9 ans, en CM1 à Saint Joseph. 

Je suis allé à l'école à Briec, Sainte-anne d'abord et Saint-Pierre après, où j’ai obtenu le Brevet des collèges. Je suis ensuite parti en mécanique agricole à l’Institut rural d’Elliant où j’ai obtenu le CAP mécanique et après j'ai fait un bac pro qui était plus machinisme - conduite et entretien de matériel agricole.

J'ai fini en 94-95, puis  je suis devenu salarié de mes parents dans l'entreprise d'abord et mon frère et moi avons repris l’entreprise lors de leur retraite.

Moi, j'ai dû reprendre l’exploitation en 1999. A l’entreprise, on était salarié. J'avais fait une SARL, avec mes parents à l'époque, ils nous ont mis actionnaires et après, en 2009, ils nous ont vendu toutes leurs parts.

Je suis donc agriculteur sur la commune de Briec. Mais j'ai une deuxième activité qui est une entreprise de travaux agricoles, de travaux publics et de transports.

Le transport s'est séparé des travaux publics. Mais les travaux publics amènent du transport. Les trois activités sont liées à l'entreprise. L'agricole, c'est plus typé. 

L’entreprise, reprise avec mon frère, est passée en SAS (Société par Actions Simplifiée) à parts égales. 

Mon père était né le 8 mai 1935. Ma mère, le 6 mai 1935. Deux jours entre eux. 

Mes parents  étaient agriculteurs et ils ont monté l'entreprise par étapes. 

Ils ont démarré l'entreprise dans les années 60. En février 1963 en fait.

C'était en nom propre.

Ils avaient des bêtes, des vaches, qui sont parties quand je suis né, des laitières, Après il y avait des cochons. Et quand ils ont arrêté les vaches, ils ont dû faire des taurillons à la place et des cochons. Moi quand j'ai repris en 99, il restait des cochons, mais la porcherie était louée et il restait des taurillons à finir. On a fini les taurillons et après on a arrêté parce que l'entreprise prenait plus d’ampleur.

Donc, on a gardé l'exploitation avec les terres. En 99, il y avait 150 ha à peu près.

Maintenant nous en avons 230. Mais pas en propriété, ma mère reste propriétaire d’une grande partie, le reste est en indivision. L’EURL loue ces terres. J’en ai acheté d’autres et mon frère aussi. Par contre, de l’entreprise nous sommes totalement propriétaires.

En fait, l'avantage de l’EURL, comme c'est une entreprise agricole, quand il y a un peu moins de travail chez les clients, ça permet d'occuper les gars aussi. Il n'y a pas de salarié sur l’EURL, il y a Armel et moi.

Entre le TP et le transport, il y a quelques gars qui ont le permis poids lourd qui vont en transport de temps en temps quand c'est un peu plus calme, ou quand il y a des gars en congés ou en formation et en TP c’est pareil. Ils sont polyvalents. 

Sur l'exploitation, il y a du maïs, du blé, de l'orge, du colza et un peu de légumes. Cette année, il y a des haricots et des flageolets.

C'est en rotation. On essaie d’éviter les maladies.

J’ai vu sur une parcelle du colza très beau jusqu'à la fin de l'année et en début d’année suivante tout le colza a disparu avec la sclérotinia. J’ai été obligé de mettre du maïs à la place. Après une maladie sur les légumes, on est obligé d’attendre 5 ans. 

On appelle ça la hernie du chou. Avec le maïs, de l'orge et du blé, tu peux revenir plus régulièrement, mais que ce soit les légumes ou du colza, c'est minimum 5 ans. 

Pour les légumes nous avons des contrats avec les coopératives qui font tout le travail. Pour les haricots et flageolets, c'est pareil.

On a eu des machines, il y a des années. Mais le problème c'est que les haricots, ça se récolte la nuit.  En été, la moisson le jour et les haricots la nuit, c’était pas possible. Quand il y avait des pannes de machines au milieu de la nuit et que le téléphone sonnait pour une machine en panne. Là, tu ne dors plus. Donc à un moment donné, j'ai dit stop. Après, c’était des contrats avec les coop. Elles avaient une politique de faire travailler les entreprises à côté. Et puis la politique au bout d'un moment a changé. Elles travaillent maintenant avec leurs propres machines.

Les semis de haricots et de flageolets, c’est moi qui le fait, mais pas les carottes.

Les carottes restent longtemps en terre. Là, elles ont été ramassées au mois de mars, mais semées début mai l'année dernière.

Pour l’instant, je travaille avec Terre de l'Ouest qui ne tamise pas la terre, ils parlent de le faire. Eureden le fait. Le problème c'est surtout pour enlever les cailloux. Et je sais que cette année, ils ont eu une parcelle, pleine de petits cailloux et ils n'ont pas pu récolter parce que l'usine n'en voulait pas. 

Dans l’exploitation, je ne mets pas beaucoup de légumes, entre 20 et 22 hectares seulement.

Je mets beaucoup plus de maïs, presque une centaine d'hectares. il y a 230 ha en tout. Donc, c'est pas compliqué. J‘ai 16 hectares de colza, il y aura 20 hectares de légumes, ça fait 36 et il y a à peu près moitié entre orge et blé. C'est ma rotation, elle est comme ça. Donc, ça fait pratiquement 100 hectares de maïs et pratiquement 100 hectares d’orge-blé. Tout est vendu, même le peu de foin que je fais dans mes prairies.

Nous dirigeons à deux l’entreprise et l’exploitation. Nous avons 31 employés à temps plein, plus les saisonniers, une quarantaine, davantage pour le maïs. Pour l’ensilage du maïs, nous travaillons en chantier complet.

Dans la campagne, il y a de moins en moins de monde. Maintenant, souvent la femme travaille à l'extérieur, le patron est tout seul. Il doit s’occuper de son élevage matin et soir.

Pour trouver des saisonniers, l’été, il y a beaucoup de jeunes en vacances, tu peux trouver facilement. Mais, c'est sûr qu'au mois d’octobre, c'est plus difficile. 

Dans l’entreprise, en personnel, il y a deux mécanos. Puis, il y a du monde au bureau : un qui s’occupe du transport, un qui s'occupe du TP, une autre en comptabilité plus une autre personne à mi temps et ma femme aussi qui est en facturation. Et après, il y a une dizaine de personnes en transport et une dizaine en agricole.

Il y a du boulot pour tout le monde. Certains employés sont polyvalents. 

Pour le transport, je prends un ou deux gars en poids lourds sous un an en formation poids lourds et c'est des gars issus de fermes. Là, j'ai encore un qui revient, Steren. Il m'a demandé de venir à partir de septembre passer le permis poids lourd et comme c'est un gars qui est en agricole, ça me fait un gars en tracteur-remorque pour la saison d'ensilage. 

Pour l'instant on a une dérogation, on est affilié MSA, donc il n'y a pas besoin du permis poids lourd pour les gros tracteurs. Par contre, tu mets un tracteur et une remorque TP derrière et tu vas faire un chantier de travaux publics pour une grosse boîte, là il faut le permis poids lourd, il faut le super lourd et pourtant ce sont les mêmes personnes et le même matériel. C'est pour ça que j'essaye, même en agricole, d’avoir du monde de plus en plus qui ont le permis poids lourd et certains peuvent aller au camion s'il faut ou alors aller en remorque TP pour des chantiers de travaux publics, du moins quand c’est pour des grosses boîtes où on va sur la route et où il faut le permis poids lourd pour être en règle. Après, comme l'entreprise a la licence de transport, on a le droit de faire ça en agricole.

Il n’y a pas de formation spéciale pour conduire les gros tracteurs. Non, rien du tout.

il suffit d'avoir seize ans et on a un régime spécial. Qui est dérogatoire.

On a de plus en plus besoin de personnel. C’est vrai qu'on a constaté qu'il y a un certain nombre d’agriculteurs qui n’achète plus de gros matériel agricole mais qui profitent de l'entreprise pour pouvoir faire le boulot. Après, le souci, c'est que le matériel, il est en train de monter en prix. C'est la folie quoi. Maintenant, tu achètes un tracteur, le prix que tu achetais, une ensileuse ou une moissonneuse il y a dix ou quinze ans. Quand tu achètes une machine gabarit moyen, c’est 450 ou 500 000 € l'ensileuse. Alors qu'il y a dix ans, j'achetais la même chose, c'était 250 000. Maintenant un tracteur tu l'auras pour 200 ou 250 000 €, alors que pour 90 ou 100000 €, tu avais le même tracteur il y a dix ou quinze ans. Donc, le gros souci qu'on a, c’est qu’un agriculteur ne peut investir autant pour faire peu d'heures parce que en fait, lui, son job c'est d’être dans l'élevage, pas être aux champs. Bien sûr, si ça devient des grosses fermes où ils ont des salariés, là d’accord. Il y a des cas comme ça où les gars ils ont un gros élevage avec beaucoup de terrain, ils prennent des employés, ils peuvent alors acheter du matériel et les gars font le boulot.

Mais tu ne peux pas rentabiliser avec peu d’utilisation. C'est sûr que si c'est pour faire 300 ou 400 heures dans l'année, tu ne peux pas rentabiliser un tracteur à 200 000 €. Et en plus du tracteur, il faut la machine derrière. Donc, c'est le gros souci qu'on a là, c'est que tout augmente et financièrement ça ne passe plus. 

Le matériel est tellement cher que tu ne peux pas le rentabiliser. Et puis quelque part, il vaut mieux que tu mettes les sous dans ton élevage, que tu gardes ton élevage en état. En fait, le gars il est là pour ça.

Pour le boulot, je vais jusqu'à Pleyben et de l'autre côté, je vais jusqu’à Quimper surtout pour les chantiers d'ensilage.

J’ai même des chantiers jusqu’à Concarneau. Ça fait du déplacement. J'en ai de plus en plus mais en chantier complet maïs. Pour la moisson c'est pas gérable. La moisson, c’est trop tributaire du temps.

Quand on part là bas, je garde une ensileuse sur place pour 150-200 hectares d’ensilage. Donc souvent l'ensileuse fait une semaine là-bas et elle fait tout le secteur. Le matériel ne rentre pas. Je vais chercher les gars en voiture et le lendemain ils repartent et ils alimentent aussi en gasoil. Je suis équipé d'un fourgon avec des cuves dedans.

Une ensileuse, ça consomme dans les 900 litres par jour. 

En saison d'ensilage, je suis entre 20 et 25000 litres de GNR par semaine, il me faut presque un camion par semaine, surtout si on démarre en même temps un chantier de maïs grain, parce que là, c’est avec le moulin, c’est encore une machine qui consomme. Si je mets une moissonneuse-batteuse en route avec le moulin, là je suis sans problème à 25000 litres de GNR par semaine. Et un bon chèque à faire au bout.

Du gasoil qui a aussi bien augmenté. Tu peux compter quelque chose comme 1 €, 1,15 € ou 1,20 € le litre suivant le cours, c’est beaucoup de taxes aussi. 

En matériel, j’ai quatre ensileuses, neuf moissonneuses et je dois être à 22 tracteurs. 

Le matériel est propriété de la société. J’achète tout, je n’ai jamais été pour du leasing. Mais il faut une politique de renouvellement, il n’y a pas le choix. 

J’ai des mécanos, donc j'essaye quand même de faire vieillir, de réviser parce que ça devient cher une machine, une ensileuse à 450 ou 500 000 €, je ne l’achète même pas en neuf. Les dernières qui sont arrivées, c'est des occases récentes que j'ai réussi à trouver, qui sont beaucoup moins chères parce que c'est même pas rentable. 

Les machines sont amorties sur cinq ans, à peu près. Mais tu as quand même pas mal de frais, surtout sur une ensileuse, des pièces d'usure. 

Pour l’entretien, l’hiver le chauffeur il lave tout nickel et puis après on fait le tour. Qu'est ce qu'il faut changer comme pièces ? On change tout ce qui est à changer. Si c'est bien révisé, ça tourne aussi bien qu'une neuve.  Même si j'ai fait 5 ou 10000 € de frais, c’est moins que s’il fallait payer une annuité sur 500000 €. Mais, il ne faut pas aller dans l'excès non plus. 

Deux mécanos ça suffit, parce qu’il y a la concession si jamais on a un coup de feu. La concession, ils viennent, surtout si c’est du Claas. 

À un moment donné, j'ai eu beaucoup de John Deere, mais là je repars chez Claas à nouveau. Je trouve que c'est assez fiable et en prix je trouve que c’est un peu moins cher. C'est pas les moins chers, mais je trouve que c'est quand même assez fiable par rapport au prix.

Tout ça entraîne quand même un roulement financier important.

Pour l'instant, je n’ai pas de soucis au niveau des banques. C'est vrai qu'avec l'augmentation du prix du matériel plus l'augmentation des taux pour acheter le même matériel, j'ai presque doublé le montant des investissements.

Tous les ans quand un prêt se finit sur une machine, on repart sur autre chose.

Je n’ai pas trop de problème d’impayés. Je n’ai pas à me plaindre car c'est la trésorerie quand même.

 Autant dans l’exploitation, on achète des appros, des engrais, des semences et après c’est vendu, autant l’entreprise ça brasse beaucoup d’argent sur plus de temps. 

Toutes les productions de la ferme sont vendues. Céréales et maïs sont vendus directement aux Cochonniers. Il n'y a que le colza qui se vend à la coopérative.

Je ne suis pas engagé dans un syndicat agricole. Je paye la carte à la fédé comme adhérent. Et je suis allé en tracteur à la manif, mais en fait, ce sont mes clients qui t'amènent un SMS « Tiens, il y a une manif là », c’est toujours des obligations.

Je suis juste le mouvement. S'il y a besoin d'y aller, on y va.

Je n’ai pas suivi mon père en politique, non. J’ai assez à m'occuper ici.

 

L’avenir de l’agriculture

Je pense que malheureusement, des fermes il y en aura de moins en moins parce que il y a peu de jeunes pour s'installer. Dans la commune de Briec, combien d'agriculteurs ont au moins 55 ans ? Et combien ont des repreneurs ?

J'espère qu'il y en aura quelques uns. Il y en a qui s'installent, mais sur des fermes qui font 50 hectares. Ils le font, mais avec des productions particulières. Donc ça, ça va peut être continuer à exister, mais pour le reste, ça va être des fermes qui vont avoir des problèmes. 

Si on reste sur des élevages de porcs, à l'heure d'aujourd'hui, malheureusement, je pense qu'un petit élevage aura un peu de mal. J'ai le cas d'un client agriculteur qui essaye de vendre. Il arrive à la retraite et il a des bâtiments qui lui ont coûté cher. Donc, il est obligé de demander tant. C'est dur de vendre à sa juste valeur.

Parce que pour un repreneur, il faut s'en sortir. Je pense qu'il y aura des jeunes encore qui sauront faire. J'espère, mais c'est vrai qu'à la campagne quand même, il y a de moins en moins de monde. Et ce qui a disparu c'est l'entraide. Il n’y en a plus besoin.

Avant, il y a 50 ans, il y avait plein de monde. Dans chaque ferme, il y avait presque dix personnes. Aujourd’hui, on ne voit plus qu'une seule personne et pour beaucoup plus de surface. Et malheureusement, j'ai bien peur que ça continue. Il faut espérer que non. 

Les qualités nécessaires pour être paysan aujourd’hui. Pour ceux qui vont prendre la suite ? Il faut savoir travailler de ses mains et il y a la gestion aussi.

Être bon gestionnaire et bon travailleur.

Voilà, il faut être les deux. Il ne faut pas faire n'importe quoi et savoir gérer. 

Un niveau d'étude de plus en plus élevé ?

Peut-être, mais des gars qui ont des études élevées, on va leur proposer des postes, des bons postes où ils seront au chaud dans un bureau avec leurs 35 h et et cinq semaines de congés. Par rapport à ça, je pense qu'on voit dans quelques fermes, des gars qui se lancent et puis au bout d'un an, deux ans ils arrêtent tout parce qu'ils se rendent compte que c'était pas trop ce qu'ils pensaient.

 

La retraite, on a le temps. 

Je suis arrivé à 50 ans, je fais encore partie des jeunes. Je ne m'inquiète pas de ça.

Après, c’est toujours pareil, est-ce que je vais trouver un repreneur. Au vu des investissements, du prix du matériel, je me dis « qui je vais trouver moi pour racheter une boutique comme ça, quelle banque va suivre ? ».

Ça fait peur quelque part, ça fait peur.

C'est sûr que la transmission d'une affaire comme ça n'est pas simple.

Plus c'est gros, plus c’est compliqué. C'est clair. C'est sûr que nous, quand on a repris, c'était pas aussi gros, il y a eu un développement important. 

Si c'était à refaire ? Moi, je suis né dedans. Je n’ai vu que ça, donc, je ne me suis pas posé la question. Après c'est sûr que moi ça me plaît, ça c'est clair. Sinon je ne serais pas là.

Si tu n’aimes pas ton métier, ce n’est pas la peine.

Pas de regrets non. Moi je ne suis pas fait pour rester au bureau, à faire du gratte papier toute la journée.

Thérèse est contente que tu restes de toute façon. Ah ben oui, c'est sûr et elle continue à donner un coup de main en plus.

« Quand on me demande quelque chose, je le fais. Oui, la voiture, ça va. J’ai la chance encore de pouvoir faire ça, ça m’occupe » Mais ça rend service aussi. Quand il faut aller faire les courses, chercher les pièces ou envoyer les moissonneuses, ben c'est clair que là, elle remplace une personne. Oui, c'est sûr. 

Pour les loisirs, on s’accorde une semaine de vacances aux sports d’hiver en famille.

Le reste, c’est le boulot.


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