Régis Ollivier - Pargamou



Portrait social 

Je suis maraîcher sur la commune de Briec. Je suis né à Dinan en 1975. Je suis pacsé. J'ai deux enfants, Louise et Bastien,14 ans et 11 ans. Je me suis installé sur la commune de Briec en 2010 venant de la région brestoise. 

Mon père était routier, ma mère femme de ménage. Mes grands-parents étaient tous agriculteurs, sur des exploitations. Ils étaient onze du côté de ma mère et onze du côté de mon père. Donc pour reprendre les exploitations il y avait donc du monde ! Des oncles les ont reprises et c'est pour ça que mes parents sont partis. 

J'ai terminé mes études par un BTS horticole, spécialisé dans la fleur et j'ai ensuite travaillé en région parisienne et Touraine. J'avais toujours envie de revenir travailler en Bretagne. 

Puis l’école m'a recontacté en1996 après l’armée. Un poste se libérait à Savéol comme chef de culture chez Mr Jestin Pierre Yves à Guipavas, J’ai commencé comme saisonnier dans les serres puis j’ai fini chef de culture après 13 ans d’ancienneté. 

Après j’ai eu la volonté de m’installer autour de Brest mais cela se révélait difficile, la recherche de terre se révèle infructueuse et il y a eu ce projet à Briec.

 L’exploitation 

Après avoir contacté Saveol le SIDEPAC (syndicat intercommunal Quimper Communauté Traitement et valorisation des déchets.) souhaitait récupérer l’énergie fatale qui était rejetée à l’extérieur. Avec deux autres collègues de l’école de st Ilan on décide de se lancer dans le projet. L’achat de terres à Briec prend forme à proximité d'une usine d'incinération dont on récupérerait la chaleur, une première en France.

On a lancé le projet, nous sommes trois propriétaires. Il fallait une grosse superficie tout de suite pour absorber l'énergie de l’incinérateur. Mais le premier terrain sur lequel est implanté aujourd'hui Amazon nous a été refusé car il y avait une zone humide. S’est posée la question d'abandonner malgré la dépense de 15 000 €. Et le voisin Alain Daoudal nous a proposé alors son terrain et la mairie y adjoint l'autre partie du terrain. Sur ces dix hectares il a un énorme travail de terrassement, on ne peut pas poser une serre sur un terrain en pente! Nous n'avons pas eu de surprises avec la société Le Pape. Tout a été mis à plat, la terre noire enlevée. Le timing était serré, il fallait le faire en un an, bouger 200 000 m3 de terre, construire d'abord les cinq hectares de la première serre. Comme une maison, on fait les fondations et on met les poteaux.

Ce sont des entreprises hollandaises très spécialisées qui l'ont fait. Elles ont amené toutes les structures métalliques, les poteaux, les tubes en aluminium, le verre. Un matin j'avais 25 semi-remorques de verre qui attendaient dans la zone. La gendarmerie me demande « c’est quoi ce bazar? » Les hollandais quand ils amenaient, ils amenaient tout d'un seul coup. 

Après c'était parti. De toute façon, il fallait recruter du monde et avoir des gens formés. Le travail est différent du travail dans une petite serre de maraîchage.

Nous travaillons toujours à hauteur d'homme. L'effet de surface nous a permis de mécaniser l’exploitation, comme par exemple travailler sur des nacelles électriques au lieu d’échasses comme avant quand j’ai commencé, le conditionnement et la palettisation automatique, pour des meilleures conditions de travail. 

On avait déjà commencé à recruter six mois ou sept mois auparavant pour former des gens et moi j'allais à Brest les emmener tous les jours: tous les matins pour les faire travailler sur les sites de mes deux autres collègues associés, pour les former. Je les emmenais le matin à Saint-Renan et Guipavas et j'allais les chercher tous les soirs pendant six mois.

 

Le travail 

Nous avons des salariés venant de Quimper, Concarneau, Fouesnant. Il y a des gens originaires, du Maroc. On a eu douze nationalités. En pointe, on est à 65 salariés. En permanent on est 25 permanents. Puis des CDD qu'on a six mois de l'année pour la récolte. On commence à produire en fin février et on finit mi-octobre. Après on doit tout arracher la culture, laver tout, la structure, les carreaux, tout changer, tout nettoyer pour replanter. C’est le vide sanitaire. Mais bon, après quand on reçoit des plants, ils sont tout petits. Il y a le travail, les attacher, enrouler les plantes autour d'une ficelle, le training, entretenir les cultures. La pollinisation se fait par les bourdons qui ont leur ruche au bout des serres et qui assurent une pollinisation efficace des fleurs en plus nous lâchons des insectes auxiliaires afin de lutter contre les insectes prédateurs et comme cela on n’utilise pas de pesticides de synthèse. Lorsque cinq ou six semi-remorques de plants arrivent, on doit planter tout de suite dans des petits cubes de substrat. Les plants arrivent en novembre, 50 % de Hollande, 50 % de France, ici on a cinq variétés. Ici nous ne faisons que de la tomate. La Coopérative Savéol a 28 variétés et ne fait pas que de la tomate: Elle fait aussi de la fraise, du concombre, du poivron, de la salicorne. Une partie en bio, une partie en conventionnel.


Les nouvelles techniques 

Je pilote tout de mon ordinateur. Quand on arrose, on sait ce dont la plante a besoin   minute par minute. Si elle n’a pas besoin de cette eau, elle va la rejeter et on va la recycler pour l'arrosage du lendemain. En économie d'eau, on est, par rapport à une culture pleine terre, à 50% d’économie. C'est toujours un cycle fermé. 

Sur l'ordinateur nous avons des balances. Et on pèse 24h sur 24 les substrats pour suivre les consommations d’eau au centilitre. Mon responsable de culture, Sébastien, sait quand il commence à mettre les arrosages. Et on met les arrosages par rapport à la météo, la lumière extérieure et la température. On ouvre également la serre selon la vitesse du vent, la direction et la température de l’air, intérieur comme extérieur. On a une station météo sur le site qui nous indique la température extérieure, l’hygrométrie de l'air, la radiation, la vitesse du vent et la direction. 

C’est vrai qu'en tomate c'est super technique. Il faut maîtriser la météo. Il y a plein de paramètres à connaître. On est connecté en permanence 24h sur 24 et la nuit quelqu'un est toujours d’astreinte.

 

La chaleur 

On capte l'énergie de l'incinérateur c’est à dire qu’on maintient la serre à température en refroidissant les turbines de l'incinérateur qui produisent de l’électricité. Les deux grosses citernes qui sont devant sont des citernes d'eau chaude. Ce n'est pas grand-chose de stocker cette eau chaude. En trente minutes elle peut être vidée. L’incinérateur aime bien avoir une consommation linéaire pour pouvoir optimiser la production électrique. Il n'aime pas les à-coups. C'est pour cela qu’on avait fait des stockages d'eau chaude. La serre est chauffée par l'eau chaude qui circule dans les tuyaux sur lesquels roulent les nacelles électriques. Cette eau provient de l'usine d'incinération par de gros tuyaux sous la route, un qui amène, un autre qui repart. C’est un circuit fermé. Nous étions précurseurs en France, c'est un gros travail d'études. Le jour où on a allumé, on ne savait pas si cela allait marcher. Depuis ce système se développe dans beaucoup d'incinérateurs ou data center. Il y a beaucoup de centrales où l'énergie est jetée dehors.

 

La production 

La production de tomates est constante de mars à octobre. Deux cueillettes à la main par semaine. En ce qui concerne la robotique elle commence à se développer. On commence, dans d'autres serres, à avoir des essais de robots pour cueillir ou faire d’autres travaux. Les gens ne veulent plus travailler en agriculture. Dans les vignes ou bien en maraîchage plein champs il y a des robots pour le désherbage.

Nous avons déjà recours à l'intelligence artificielle pour des questions et des conseils. Nous achetons de la météo en Hollande. Ce sont des outils d'aide à prendre des décisions. On a des formations en permanence. Tous mes seconds se sont formés à ces nouvelles techniques.

Le personnel est à 70% féminin parce que nous avons des horaires atypiques, on commence à 8h00 et on finit à 17h15 et le vendredi à midi si tout le travail est terminé. On travaille avec la lumière du jour, il n'y a pas de lumière dans les serres.
L’administratif est une grosse partie de mon temps car nous effectuons tout sur le site : salaires comptabilité ...

J’aimerai bien aller travailler plus dans la serre car c’est mon cœur de métier mais la dure réalité administrative est la !!. Nous fournissons en France, par Rungis. Les petites tomates partent vers Guipavas, sont reconditionnées et partent vers les GMS, les marchés nationaux type Rungis et les grossistes. Toutes nos productions ont un contrôle qualité à Savéol et partent vers les moyennes et grandes surfaces.

 

Offre et demande 

On note toutes les vitesses de floraison, par variété: combien de fleurs on produit par jour et combien il faut mettre de bourdons pour la pollinisation. Suivant la météo, on voit nos vitesses de floraison. Qui dit vitesse dit huit semaines entre la fleur et la tomate. Donc on saura dans huit semaines si on a eu des bonnes vitesses, on aura alors plus de volume. Si on n'a pas eu beaucoup de vitesse, on aura moins de volume. Après toutes les semaines, le mercredi soir, on commence à faire nos prévisions de production pour la semaine suivante On commence à se positionner pour vendre nos produits pour la semaine suivante. Si on est bon, on doit savoir ce qu'on produit la semaine suivante. On donne nos notations. En analysant tous ces paramètres, on doit être en mesure de savoir si on va avoir beaucoup de volume, si on va avoir de la demande. Et nos clients, ils le savent très bien, ils regardent la météo aussi.  « Attention, le week-end de Pâques, la météo prévoit super beau, Il y aura de la demande » après on ajuste nos prix suivant l’offre et la demande. Les invendus ne sont pas jetés, on donne aux Restos du cœur, on donne aux associations toutes les semaines. Ils viennent charger les invendus dans leurs fourgons. Par contre, il faut que le produit soit conditionné.

 

Le rôle des insectes 

Nous sommes les seuls en Europe à avoir nos élevages d'insectes. Nous vendons des tomates sans pesticides. Le but est de ne pas traiter. On élève des insectes à Savéol, Nature à Guipavas, à la ferme des insectes que l'on peut visiter. L'élevage est unique en Europe. Ça fait 40 ans qu'on maîtrise le sujet. On a à peu près 200 ruches dans la serre pour la pollinisation. Et toutes les semaines, on lâche des bourdons, on lâche aussi des insectes auxiliaires, c’est-à-dire des insectes gentils qui mangent les insectes méchants. Je ne sais pas si vous connaissez la mouche blanche, notre plus grand prédateur. On la voit souvent sur les choux ou les rosiers. Pour lutter contre, on lâche des Encarsias, une petite mouche toute noire qui va pondre dans les œufs de la mouche blanche (aleurodes œufs) ... 

D'autres vont manger les chenilles, comme le macrolophus. Chaque insecte a son prédateur. Et avec cela, si c'est bien géré, on n’utilisera pas de produits de synthèse.

Avant, quand j'ai commencé, on n'avait pas trouvé cette espèce de bourdons. On pollinisait toutes les fleurs à la main. Avec quoi ? j'ai montré tout à l'heure les aiguilles vibrantes. La mission était de polliniser toutes les fleurs. Les bourdons, c'est une révolution. Ils rentrent dormir et nous fermons la porte. Ils ont une trappe pour rentrer et une autre pour sortir.

 

Formation 

On a une formation. Pour les nouveaux qui sont arrivés cette année par exemple, les techniciens de Saveol se déplacent pour former ces personnes. On a une salle de classe et on explique les cycles de reproduction des insectes. Et la formation, elle est en interne. Il n'y a pas d'école pour cela. 

Nous avons des logiciels pour la gestion du personnel qui nous permet d’analyser la qualité du travail et de suivre l’avancement des travaux. Si une personne voit des insectes, des pucerons dans un rang elle va badger. « J'ai des pucerons dans le rang numéro 450 » et on sait qu'il y a un foyer. Ça va renvoyer l'information à l'ordinateur qui va cartographier la serre et dit dans tel rang, il y a un foyer afin de pouvoir lâcher des insectes prédateurs.

J'ai deux personnes qui s'occupent de cette technique. 

 

La coopérative 

La coopérative. Savéol est notre marque et nous les 125 maraîchers producteurs qui la composons nous dirigeons cette coop par un conseil d’administration composé de 12 producteurs. On se connaît tous et on s'entraide quand il y a des coups durs.

Nous formons des jeunes pour la reprise de nos exploitations, dernièrement nous avons installé des jeunes en reconversion professionnel. Nous sommes sensibles aux difficultés sociales, récemment une famille ukrainienne. J'ai des responsabilités dans des syndicats et en loisir je viens de prendre la coprésidence du club de VTT à Landudal.

Nous avons de bons rapports avec le voisinage. Il est toujours possible de discuter et en agriculture il y a de la place pour tous. Mais si on devait s'installer maintenant au vu de la conjoncture cela deviendrait plus compliqué!

 

 

 

 

 

 

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