Marie Noelle Corcuff-Guillou - Barré Nevez

 


Je suis née à Carhaix, le 29 décembre 1976 et me suis mariée avec Steven Guillou le 1er septembre 2001. J’ai gardé mon nom Corcuff et je m’appelle Marie Noëlle Corcuff-Guillou. Nos enfants, eux portent le nom de Guillou-Corcuff.

Nous en avons quatre, 3 filles et un garçon âgés, de 22,20, 18 et 16 ans. Aucun d’eux ne souhaite prendre notre suite et c’est bien, ils peuvent choisir de vivre autre chose.

Ma mère était exploitante agricole et mon père travaillait en usine. Je ne me destinais pas à l’agriculture.

 J’ai  grandis à Poullaen où je suis allée  à l’école primaire. Après les  collèges et lycées de Carhaix et Rostrenen, c’est à la FAC de Brest que je prépare Psycho. Je n’y resterai pas longtemps, souhaitant préparer le concours d’éducateur spécialisé que je n’obtiens pas. Je travaille alors comme animatrice.

C’est à la FAC que je rencontre Steven .Nous participons à différents mouvements d’animation rurale ce qui nous décide à nous installer comme exploitants. J’aurai pour condition de pouvoir concilier mon travail et ma vie familiale,  ce qui a été le cas.

Pour obtenir le financement de notre installation, nous avons passé en formation adulte,  un BTS d’analyse  et conduite des systèmes d’exploitation.

Le 1er Janvier 2005, après la visite d’une vingtaine de fermes, nous reprenons celle de René et Cécile Férec qui souhaitaient prendre leur retraite. C’est comme associés à 50/50 que nous nous installons à Briec.

Notre choix s’est porté sur Briec pour sa situation géographique, ni trop près , ni trop loin de tout, et pour le réseau agricole déjà présent.

Avec les enfants, nous partons 1 semaine chaque année à la montagne. C’est le dépaysement total. Nous faisons appel au service de remplacement auquel nous appartenons. C’est une association d’agriculteurs.

Avant notre départ, je prépare le terrain et accomplis le maximum de tâches pour faciliter le travail du remplaçant, ce qui me sert aussi par la suite car en  cherchant à faciliter le travail du remplaçant, c’est aussi le notre que l’on simplifie.

Aujourd’hui, Steven a pris un poste d’auditeur en plus, Il travaille le Week-End et le soir à la ferme. J’ai diminué le cheptel qui compte entre 40 et 45 vaches, essentiellement des Normandes, et un mélange de races, comme les Kiwis, nouvellement arrivées (Je suis passionnée d’un troupeau, pas d’une race). Aujourd’hui, certains ont une façon différente de voir les choses, pour des projets particuliers, comme la fabrication de la glace, du fromage, ils affectionnent donc certaines races.

 De 50 ha de surface, nous sommes passés à 70 ha. Nous cultivons  du blé noir,  et un peu de maïs. Nous avons le label bio pour l’ensemble de nos productions, laitières et céréales. Il faut suivre à la lettre le cahier des charges, mais je m’en accommode car c’est donnant, donnant.

Pour le matériel, il est réduit au minimum. Il ya la CUMA   et n’étant pas une adepte du tracteur, je fais appel à une entreprise pour les gros travaux. Effectivement, il y a des passionnés de tracteurs et ils font le travail aussi bien que nous. Alors, moi  je leur laisse ma place.

En ce qui concerne l’informatique, c’est plus le domaine de Steven. Moi, je préfère prendre le temps d’observer mes vaches. Un ami me disait qu’il faut passer au moins un quart d’heure à les regarder. Cela permet de voir si tout va bien. Avec un chien de troupeau, pour moi,  ça va trop vite. Elles se précipitent pour rentrer et je n’ai  pas le temps par exemple de voir si l’une d’elle boîte. Aussi je n’en ai plus, ce qui n’arrange pas mes remplaçants, habitués à travailler avec eux.

J’ai une salle de traite 2x6, mais Le temps de traite est d’une heure, mais avec la préparation, il faut compter 2h30 le matin et 2h le soir, a cela s’ajoute les clôtures, les génisses, de la comptabilité.

J’ai toujours adapté mes horaires de traite à ma vie familiale. Lorsque mes enfants étaient plus jeunes, je faisais la traite de 5h à7h pour être là au petit déjeuner et pour le départ à l’école. L’après midi c’était à14h30 que j’étais en salle de traite pour être à la sortie de l’école à 16h30 comme une maman lambda, sauf bien sûr pour une exception comme un vêlage.  Il m’est arrivé de traire à 3h30 du matin pour un départ à 5 heures avec toute la famille  pour des compétitions de judo afin de suivre ma fille aînée. C’était des moments de partages extraordinaires, car chacun y mettait du sien pour le bon déroulement de la journée.

 L’hiver mes vaches passent au minimum 4 à 5h dehors par jour et sont rentrées le soir, mais aux beaux jours, elles restent à l-extérieur, jour et nuit.

Au niveau de l’entraide, il ya des échanges avec les voisins. Aide au maïs pour l’un en échange du ramassage des rounds. Il y a aussi les échanges et informations que l’on se transmet lors de rencontres à la CUMA entre deux champs.

Je préfère étaler les vêlages sur l’année plutôt qu’un vêlage groupé. Là encore, c’est une question de temps.

Je livre mon lait et mon  blé noir à des coopératives dont je suis adhérente, mais je ne fais partie d’aucun syndicat.

A un jeune qui souhaiterait s’installer comme agriculteur, je dirais « faites ce que vous aimez, aimez ce que vous faites » Il n’y a pas un seul modèle agricole, il y a de la place pour tous. Il faut être à l’aise avec ce que l’on fait,  on n’est pas obligé de penser comme tout le monde. Le modèle classique a évolué, on a le droit d’essayer et de ne pas aimer. Sur le secteur, il y a maintenant suffisamment de modèles atypiques pour que chacun puisse trouver sa place. Il faut tirer partie de ses échecs et de ses réussites.

Mais ceci dit, on n’arrête  pas comme ça. C’est comme un TGV en route, surtout lorsqu’il y a des animaux.

 En matière d’énergie renouvelable, nous avons eu un projet de panneaux solaires, mais un seul bâtiment pouvait les recevoir et la proximité des lignes électriques n’a pas permis la réalisation.

Préserver l’environnement est très important. Nous entretenons les chemins qui mènent aux champs et moi, j’adore les talus. Ils n’ont pas besoin d’être entretenus outre mesure et accueillent toute une population variée. J’ai même vu deux écureuils avant la dernière tempête qui a du perturber leur réserve de nourriture. J’espère qu’ils vont revenir

Je préfère planter des arbres plutôt que des haies. Les rapaces peuvent s’y poser et faire la chasse aux mulots. Ce sont de bons auxiliaires de culture.

Notre façon de travailler n’est pas la même qu’autrefois et ça évoluera encore. Je suis toujours un peu étonnée lorsque j’entends un agriculteur qui part à la retraite et qu’il dit j’arrête peu importe si je n’ai pas de remplaçant, j’arrête.  Avant, il y avait toujours quelqu’un prêt à prendre la relève. C’est vrai, c’est compliqué, mais tous les métiers ont leurs difficultés. Par exemple à l’accueil d’un cabinet médical, il ya des patients qui attendent et qui oublient qu’il y a peut être plus urgent qu’eux, ou en milieu médical, s’il y a deux patients qui attendent, lequel choisir ? Je n’ai pas à me poser cette question d’urgence avec mes vaches Même si on place l’animal de plus en plus haut, pour moi, l’être humain est prioritaire. J’espère qu’il y aura d’autres jeunes pour s’installer. Ils feront ça tant qu’ils seront jeunes, puis ils passeront à autre choses s’ils le souhaitent cela plus facilement qu’avant.

 C’est vrai que ce n’est pas toujours simple, il y a de la pression, mais dans tous les métiers on rencontre des difficultés.

Je ne suis pas hyper passionnée, mais lorsque je fais quelque chose, j’aime le faire bien. J’aime préserver tout ce qui est environnement, y compris les petits animaux, chacun a sa place dans l’écho système. Nous, nous ne sommes qu’un maillon de la chaîne.

Mais si demain je trouve quelqu’un pour me remplacer, je pars sans regret, vraiment zéro regret.

Faire ce qu’on aime, aimer ce  que l’on fait

Petit échange philosophique avec Marie Noëlle pour les situations conflictuelles

« Il y a deux bouts à une corde, tu ne sais pas forcément ce qu’il y a à l’autre bout »

« On ne pèse pas dans la même balance les torts que l’on fait et les torts que l’on nous a fait »


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