Françoise Rannou - Kerlez Vras

Je suis née le 20 octobre 1963 à Quimper. Et je suis mariée avec Bruno depuis 35 ans.

Lorsque l’on s’est mariés nous n’étions pas agriculteurs et nos emplois étaient bien éloignés de l’agriculture.

J’ai fait des études agricoles, j'ai un BTA option économie qui m'a conduit vers les métiers de la comptabilité et du secrétariat. A l'issue de mon BTA, je ne trouvais pas de travail dans ces deux secteurs d’activités aussi j'ai été peseur de lait au Contrôle Laitier tout en travaillant comme aide-familiale sur l’exploitation de mes parents. J’allais dans les exploitations et je pesais le lait des vaches pour le contrôle de leurs performances et je prenais des échantillons de lait pour l’analyse des valeurs : matières grasses, matières protéiques, leucocytes. Tous ces critères sont importants car ils conditionnent le prix du litre de lait. Donc automatiquement, plus on a des bons résultats, mieux c'est. 

Mon mari était comptable/magasinier.

Bruno est fils d'agriculteur, il s’est installé en 1990 en GAEC avec mes parents. En 1999, l’heure de la retraite a sonné pour Papa et maman.

J’ai quitté mon emploi de secrétaire/comptable que j’occupais depuis plus de 15 ans après avoir complété mon BTA par une formation informatique. Et, je me suis associée à Bruno le 1ᵉʳ novembre 1999 sous la forme juridique de l’EARL car à l’époque le statut de GAEC était refusé aux couples. 

Avec mon installation nous avons fait quelques évolutions techniques pour plus de confort au niveau du travail quotidien : en salle de traite avec le décrochage automatique, la pailleuse pour pailler l’aire de couchage des animaux, la mélangeuse pour optimiser la ration alimentaire des vaches. 

L’EARL a vécu jusqu'en jusqu'au 31 janvier 2018, depuis février 2018, Bruno exploite en entreprise individuelle. Et moi, je suis devenue sa salariée. 

Quand Bruno s’est installé avec mes parents, l’exploitation avait un quota laitier de 180 000 litres de lait. Quand je l’ai rejoint, le quota était 288 000 litres de lait. On avait 38 vaches laitières et on gagnait mieux notre vie qu'actuellement avec 450 000 litres car en 23 ans, les charges afférentes à l’activité agricole ont explosé, pour maintenir un résultat l’augmentation des volumes était nécessaire avec un bémol en parallèle, le travail a aussi augmenté. 

La PAC a également évolué. Il y a eu les DPU droit à prime unique aujourd’hui transformés en DPB droit à prime de base auquel se rajoutent des critères environnementaux. Et puis, il y a eu la suppression des quotas laitiers que je qualifierai de fictive car désormais nous avons un droit à produire et un contrat avec la laiterie, bref le « droit » à produire a changé de camp. 

Nous ne sommes pas livreurs de lait à une coopérative mais à un géant laitier privé le Groupe Lactalis. Il y a une grande différence car nous ne sommes pas adhérents de la coop mais un producteur de lait sans voix pour s’exprimer hormis avec l’organisation des producteurs de lait qui défend comme elle le peut l’intérêt des producteurs lors des négociations avec Lactalis. 

L’année 2009 m’a marquée, crise laitière, prix en chute libre, le prix ne couvrait plus les charges. J’ai été sur les manifs à l’époque pour dire que ce prix n’était pas tenable, c’est dur de se lever le matin tout en sachant que l’on travaille à perte. 

Chez nous, il n’y a de l'entraide que pour le maïs. J’aime ces instants de travaux même si c’est intense. J’aime aussi ces moments de convivialité autour d’un repas à la pause du déjeuner et au repas du soir. Généralement, nous sommes douze à table, une tablée d’homme et moi aux fourneaux, mais j’estime faire partie intégrante de cette Team Maïs. C’est un moment fort de partage, de discussions, d’informations. 

Il est important de garder du lien, d’essayer de dégager du temps pour se former, pour s’engager dans diverses instances. 

En 2003, je me suis engagée en tant qu’administratrice au sein de la Caisse Locale du Crédit Agricole de Briec, pour représenter les clients sociétaires car le Crédit Agricole est une coopérative bancaire qui appartient à ses sociétaires avec le principe un Homme = 1 voix quelque soit le montant de parts sociales détenues. 

Je suis présidente de la Caisse Locale depuis 2009, je remercie les administrateurs de la Caisse Locale pour leur confiance renouvelée au fil des ans. Cette équipe est très attachée au Territoire de l’ancien Pays Glazik, il y a des représentants dans chaque commune. Nous accompagnons le tissu associatif, économique et solidaire. Nous travaillons de concert avec les collaborateurs de l’agence. 

En 2013, j’ai intégré le conseil d’administration de la Caisse Régionale du Crédit Agricole du Finistère, depuis 2015, je siège au bureau et cette année j’ai été élue 1ère Vice-Présidente. C’est un engagement qui m’apporte une ouverture d’esprit, une ouverture sur l’économie macro et territoriale et des rencontres avec un double/réseau d’hommes et de femmes qui œuvrent tout au long de l’année pour accompagner les Finistériens dans leurs projets personnels et professionnels. 

Agriculteur, c'est un métier qu’il faut choisir en pesant les avantages et les inconvénients. C’est un métier prenant, parfois contraignant mais jamais monotone car les jours se suivent et ne se ressemblent pas. 

Grâce à mon métier d’agricultrice, j’ai pu être plus présente auprès de mes filles, les amener aux différentes activités périscolaires et plus tard, hors de Bretagne, pour les études. En gardant mon ancien emploi, je n’aurais pas pu être aussi disponible à la demande, il y avait toujours l’un de nous qui pouvait se libérer si besoin. 

Aujourd’hui, je ressens un manque de reconnaissance de notre métier, l’agribashing notamment quand cela touche au bien-être animal, car nous aimons et soignons nos animaux. 

Face aux changements climatiques, l’agriculture est stigmatisée et pourtant elle est source de solutions, certes nos bêtes produisent du méthane mais à contrario elles entretiennent nos prairies qui sont sources d’absorption de CO2. Et il y a le volet énergies avec l’éolien, les trackers photovoltaïque, la méthanisation qui n’est pas à sous-estimer. 

Le Pays Glazik est une terre bocagère, la végétalisation totale serait difficile, car c’est une terre d’élevage, à l’image de mon exploitation, qui cultive du blé pour la paille et pour le grain qui sert à la nourriture de notre cheptel. Quant au maïs, il est indispensable car nos pâtures ne survivraient pas à l’hiver, cependant nous avons sensiblement diminué la part de maïs dans la ration alimentaire de nos animaux et pour l’instant, chez nous, dans ce petit coin du Finistère, cette culture ne nécessite pas d’irrigation. 

L’avenir de notre exploitation, va s’écrire dans les trois prochaines années, nos deux filles ne la reprendront pas. Pour autant, quand elles reviennent sur Briec, elles sont toujours partantes pour nous aider. Bruno et moi sommes fiers que leurs métiers soient en lien très fort avec l’agriculture et cela donne lieu à beaucoup d’échanges. 

Notre vœu le plus cher pour l’agriculture en général est sa continuité avec des Hommes et des Femmes motivés et reconnus pour leurs savoir faire. 

La vocation nourricière de l’agriculture est noble et nécessaire car notre souveraineté et notre sécurité alimentaire en dépendent. 

Il faudra des bras pour relever ce défi!


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